Sarrenhor

[En résumé]

Avant les montagnes, Ciel et Terre s’unirent. De leur opposition jaillit un ardent amour duquel naquit trois grâces. Ciel offrit à Terre les rayons du Soleil qui, lorsqu’ils embrassèrent le sol, devinrent les blés d’été. Terre offrit en retour le cheval, maître des vents qui toujours s’élance vers l’azur. Finalement, à l’unisson, les amants bénirent l’homme Sarrens et lui offrirent la libre jouissance du blé et du cheval. Depuis, Ciel et Terre sont les père et mère de notre race.

“Le domaine de Sarrens”, Chant d’Edarianne

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Les terres

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Carte du Sarrenhor

Le Sarrenhor est le grenier du royaume d’Ébène. Immense territoire dont Lys d’Or est la capitale, ce palatinat est essentiellement constitué de plaines verdoyantes à l’Ouest et de steppes moins fertiles à l’Est. Même si les habitants de la province ont adopté officiellement le féodalisme depuis des millénaires, la noblesse y prend davantage la forme de clans nomades sillonnant et entretenant le territoire à leur gré. Les anciens récits soutiennent que, à l’arrivée des Sarrens dans leurs landes actuelles, la forêt d’Ébène s’étendait à perte de vue. Les Macassars, gardiens des étendues sylvestres désormais disparues, combattirent ardemment les hommes du Sud et périrent lorsque ces derniers décidèrent d’incendier et de raser systématiquement leurs bois sacrés. L’entreprise exigea des siècles d’efforts et de sacrifices, mais, à l’aube de l’ère royale, l’Orrindhas, nom donné à l’ensemble des landes sacrées Sarrens, était libéré de la ténébreuse forêt et de ses dangereux habitants. De nos jours, seuls quelques bosquets témoignent encore de cette époque révolue.

Étonnamment, les clans du Sarrenhor, malgré leur vagabondage incessant, respectent minutieusement certaines frontières naturelles délimitées par leurs ancêtres. Très rarement franchissent-ils les eaux de la Laurelanne ou des Criffes et pénètrent-ils dans les vaux des monts Namori. Par contre, au Nord et à l’Est, leurs déplacements sont moins circonscrits, ce qui entraîne des rixes avec les seigneurs frontaliers de Cassolmer et de Laure. Si les Sarrens clament haut et fort que l’Orrindhas s’étend jusqu’à l’Augivre et à Casteval, aucun noble des autres palatinats n’acceptera que ces semi-nomades viennent piétiner les champs de son fief. Ainsi, tout dépendant de l’attitude du prince siégeant sur le trône d’Ébène, des conflits se déclarent ponctuellement dans ces régions.  

En 322, une scission survint toutefois au sein du peuple sarrens. Suite à de profondes mésententes entre les partisans de l’ouverture sur les autres palatinats et du progrès -menés par les forces de Lys d’Or- et les adeptes des traditions de pillage et de libre chevauchée -guidés par les clans des Vors et des Édar-, Sigismond le Vif, palatin du Sarrenhor, trouva la mort de la main de son opposant Ghoran lors d’une trahison à Gué-du-Roi. Afin d’éviter une guerre civile sanglante, le comte-protecteur Salomon d’Iscar accepta de diviser les plaines en deux. À l’est naquirent donc les Plaines libres de l’Orrindhas sous l’égide des clans Vors et Édar et des chevaucheurs libres de Ghoran, tandis qu’à l’ouest perdurait le territoire sarrens dirigé depuis Lys d’Or. C’était la première fois de mémoire d’Homme que le Sarrenhor était aussi dangereusement déchiré.

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Le peuple

Emöke dit le Varan du clan des Vors

La culture du Sarrenhor est une subtile combinaison de nomadisme et de sédentarité. Selon la coutume, les clans sarrens -constitués d’une ou de plusieurs familles de sang- se séparent le territoire en régions plus ou moins délimitées. Il est alors fréquent que des conflits armés se déclarent entre les regroupements, les plus ambitieux parmi ceux-ci souhaitant s’approprier des terres à la hauteur de leur statut. Lorsque les zones d’errance sont reconnues et que la paix est restaurée, les clans parcourent ces régions et jettent à tout vent les semailles de leurs futures récoltes. Ils laissent alors la nature faire son oeuvre et ne reviennent récolter leurs denrées qu’occasionnellement afin de les échanger aux marchés de Lys d’Or, principal lieu de commerce du palatinat. Bien sûr, cette méthode de travail entraîne son lot de pertes et ne maximise aucunement l’exploitation du territoire, mais elle perdure depuis des siècles et s’ancre profondément dans la tradition des Sarrens.

Entre les moissons, les clans sarrens se vouent à l’élevage des chevaux -et d’autres bétails- et à l’amélioration de leurs meilleurs destriers. Cette activité pourrait n’être qu’un simple rouage de l’économie du palatinat, mais le peuple des plaines en a fait une véritable fierté. Vifs comme le vent et solides comme le roc, les chevaux du Sarrenhor transportent les dignitaires de tout le royaume. Le plus célèbre destrier sarrens est le Sorhinar sacré, cheval rapide comme le vent et d’une endurance quasi surnaturelle réservé à l’élite des chevaucheurs. L’élevage de cet animal est le symbole même du tempérament des Sarrens : endurcis par l’Orrindhas, ils cherchent constamment à s’élever au-dessus des « étrangers ». Pour cette raison, les voyageurs ont tendance à rapporter de cette région des récits mettant en vedette un peuple hostile et brusque refusant l’amitié de ceux qu’ils ne connaissent guère. Pourtant, celui qui prendra le temps de se rapprocher de ces brutes affables découvrira en eux une race d’hommes et de femmes profondément chaleureux et soucieux de l’élévation du genre humain.

Sur le plan vestimentaire, les laines et les cuirs épais constituent les matériaux de base des confections sarrens. Pour ceux-ci, seuls la durabilité et le confort offerts par l’accoutrement importent. À quoi bon multiplier les parures et les tissus fins si ceux-ci attirent les brigands, s’usent sous le Soleil ou se désagrègent sous l’effet de la pluie? Cette perception rustique de la mode attire d’ailleurs souvent les réprimandes des habitants plus « distingués » du royaume.

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La famille

La noblesse sarrens se distingue fortement de ses homologues du royaume. Effectivement, dans l’esprit des Sarrens, les liens héréditaires ne revêtent qu’une importance mineure. Ce que l’on pourrait qualifier de « famille de sang » est relève ordinairement des clans. Contrairement aux clans de Cassolmer où une famille s’approprie le pouvoir et cède celui-ci de parent à enfant, les regroupements du Sarrenhor gèrent par eux-mêmes la succession du chef. Grâce à des duels, des tournois, des quêtes ou de simples pots-de-vin, le successeur du dirigeant peut être n’importe quel membre du clan sachant prouver sa valeur aux yeux de ses semblables. Cette forme de transmission du privilège qu’est la noblesse entraîne fréquemment des querelles avec les autres aristocrates du royaume, mais les seigneurs-palatins du Sarrenhor n’ont jamais jugé nécessaire de la normaliser.

De plus, lorsqu’un membre d’un clan s’élève au rang de seigneur, il abandonne le nom de sa famille de sang afin de s’approprier celui de son clan et d’y adjoindre un adjectif le représentant. Par exemple, quand Sigys Guerfer du clan des Mond prit la tête de sa cohorte, il devint Sigismond le Vif. Sa femme et ses enfants firent de même -sans s’attribuer de qualificatif- et devinrent respectivement Abelmond (d’Abella Sannor), Lodmond (de Lodis Guerfer) et Otmond (de Otger Guerfer). Advenant le décès du chef de clan, sa femme (ou son mari) et ses enfants reprendront leurs anciens noms.

Salomon d’Iscar dit le Coq du clan des Mond

L’appartenance au clan des Mond est obligatoire afin d’aspirer au titre de seigneur-palatin du Sarrenhor. En tant que clan responsable de Lys d’Or, c’est par lui que passe le choix du seigneur de la capitale et, par conséquent, du palatinat en entier. Le dernier suzerain était Sigismond le Vif, choisi en 308 de l’ère royale suite à une chevauchée historique entre Lys d’Or et Vêpre. Les aspirants au titre devaient en effet parcourir -à l’aller et au retour- l’incroyable distance séparant leur cité de Vêpre, beaucoup plus au Nord, puis ramener de leur destination un ménestrel afin que soit chantée la gloire du vainqueur. C’était là à la fois une épreuve pour la volonté, l’endurance, la ruse et la sagesse des participants. Seul Sigismond, alors dit le Vif, surmonta ce défi et reçut les honneurs qui lui étaient dus, le tout en compagnie de son ami poète et actuel conseiller, l’avhorois Cerillo Fallecci. On dit que seul l’artiste de Vêpre, aveugle de surcroît, était en mesure de calmer le caractère irascible du seigneur-palatin, toujours prêt à succomber à ses impulsions.

Or, en 322 survint une nouvelle course de succession. Cette fois-ci, les compétiteurs devaient chevaucher jusqu’à Guethier, en Laure. Loin d’être une simple course, le déplacement se transforma en un mouvement massif de la grande horde sarrens. Néanmoins, grâce à des appuis corrésiens et laurois et malgré les contestations des clans des Vors et des Édar, Sigismond parvint à conserver son titre. Plus tard la même année, les Sarrens, sous l’impulsion du comte-protecteur Salomon d’Iscar, s’impliquèrent dans la guerre de succession lauroise en proposant une prétendante sympathique à leur cause, Émeline Lacignon. Cette intervention dans les affaires étrangères fut l’offense de trop pour les traditionnalistes Vors et Édar. Tandis que les chevaucheurs tenaient Gué-du-Roi, Askavors du clan des Vors et Maedar des Édar trahirent le protecteur d’Iscar et Sigismond le Vif et les sommèrent d’abandonner leurs prétentions. Le tout dégénéra en combat rangé dans les rues de la capitale lauroise et, avant la fin de la journée, Ghoran, l’un des candidats à la course pour le titre de seigneur-palatin sarrens quelques mois plus tôt, coupa la tête de Sigismond. Ce n’est que par désir d’éviter une terrible guerre civile que Salomon d’Iscar accepta de se retirer de la querelle de succession lauroise et de reconnaître l’indépendance des Vors et des Édar par la suite. En septembre 322, le trône de Lys d’Or était toujours vide, seul le chevaucheur d’Iscar veillant au maintien des steppes.

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La guerre des deux Couronnes

La participation du Sarrenhor à la guerre des deux Couronne se concrétisa essentiellement par sa mobilisation contre Corrèse, fidèle alliée du prince Élémas IV. Déjà au printemps 316, le seigneur chevaucheur Salomon d’Iscar du clan des Mond intimait le seigneur-palatin Sigismond de profiter de la faiblesse corrésienne suite aux révoltes paysannes pour procéder à la conquête du comté des Semailles. Territoire situé aux frontières orientales de Corrèse, le comté des Semailles fut de tout temps considéré par le Sarrenhor comme l’une de ses terres sacrées. Initialement, Sigismond le Vif refusa l’entrée en guerre des chevaucheurs. Habilement, Salomon d’Iscar opta alors pour une stratégie détournée : il fit construire en plein cœur du comté des Semailles un fortin –le Havre du Coq- destiné à accueillir les Corrésiens du peuple envieux de répondre à l’appel des Désirants. La manœuvre fut couronnée de succès et, quelques mois plus tard, la seigneur-palatine de l’époque, Carianna Paurroi, ordonnait au comte protecteur de Corrèse Conrad Mensner de lever le ban pour réparer cet affront.

Sieur Wenceslas des Plaines

Après la série de batailles des Semailles, Sigismond le Vif déclara une guerre totale sur Corrèse tandis que Salomon d’Iscar et ses proches s’agenouillaient devant la princesse Isabelle et se déclaraient Chevaliers du Saphir. L’ensemble des clans s’unirent sous la bannière du Ciel et du Sang et déferlèrent sur les Semailles et Porte-Chêne. En quelques semaines seulement, l’est du palatinat sylvestre était en  proie aux flammes et la capitale corrésienne tombait aux mains des Sarrens. Toutefois, cette avancée rapide propre aux pillards des steppes avait eu un fort coût. Afin de détourner l’attention des Corrésiens, une attaque avait été menée par le clan Volund sur le château des Semailles, attaque qui s’était soldée par la mort de nombreux chevaucheurs et de la comtesse Milavolund. De plus, alors que le gros de la cavalerie sarrens convergeait vers Porte-Chêne, les voleurs du clan des Vors menés par Yvors et Zygfry dit le Vautour changèrent leurs plans et fondirent sur les quartiers généraux valéciens de la Compagnie du Heaume à Arcancourt afin de venger leur ancienne défaite de la guerre du Follet. Ainsi, malgré sa victoire éclair, l’alliance sarrens se fissurait déjà.

Dès l’an 317, les Corrésiens réagirent à l’invasion en adoptant une stratégie de guérilla forestière. Ils encerclèrent leur capitale occupée et commencèrent à tirailler les lignes de ravitaillement des chevaucheurs. Ces derniers tentèrent tant bien que mal de les rattraper, mais face aux épaisses et labyrinthiques forêts corrésiennes, leurs montures étaient inutiles. Dans un ultime effort d’éliminer cet obstacle naturel, ils entreprirent d’incendier les forêts environnantes à la capitale. Cependant, divers contretemps –plantes vénéneuses, désobéissance au sein des chevaucheurs, pluie ininterrompue, vents dangereusement puissants, etc.- ne cessèrent de retarder le projet. Peu à peu, la tenaille des Corrésiens se confirma et les Sarrens furent enfermés dans la capitale, incapables de sortir sans être criblés de flèches.

Ce n’est qu’en 319 que le siège de Porte-Chêne fut rompu. Jusqu’alors, les occupants, incapables de repousser la riposte corrésienne, se contentaient de subir le siège dans l’espoir de recevoir d’éventuels renforts. Ceux-ci arrivèrent finalement après des mois d’attente. Yvors du clan des Vors, accompagné de Zygfry dit le Vautour, surgit des clairières embrasées de l’est et s’enfonça  puissamment avec ses chevaucheurs dans les camps militaires des Corrésiens et des Felbourgeois rassemblés. La manœuvre audacieuse permit aux assiégés d’opérer une sortie et de charger leurs assaillants. Yvors perdit la vie lors de l’attaque, mais il permit par son sacrifice de libérer de la ville Sigismond le Vif et ses nombreux alliés du clan des Monds. Malgré la victoire, les Sarrens décidèrent d’abandonner par prudence Porte-Chêne pour se replier sur le comté des Semailles. Privé de son comte –décédé en 316-, ce fief tomba rapidement.

Quelques mois plus tard, les forestiers de Corrèse –rejoints par les armées de Mordaigne menées par Mila Chilikov- profitèrent de récentes accumulations de neige pour lancer un assaut sur le château des Semailles. Préalablement informés de cette attaque, Sigismond le Vif et Salomon d’Iscar lancèrent un appel aux autres clans sarrens. Or, celui-ci resta sans réponse. Le clan Volund nouvellement dirigé par Mirovolund refusa de lever le ban suite aux pertes considérables subies au même endroit quelques années auparavant. Les clans des Vors et d’Édar, après le départ de la guerre sainte du Heaume, décidèrent d’intensifier leurs raids sur le Val-de-Ciel. Privé de plus de la moitié des forces de steppes et malgré les protestations de Salomon d’Iscar, Sigismond le Vif ordonna d’incendier le château des Semailles et de regagner les plaines. La guerre entre le Sarrenhor et Corrèse n’était pas officiellement terminée, mais aucune nouvelle bataille ne devait avoir lieu.

En 321, le Sarrenhor est fortement divisé. Au nord-ouest, le clan Volund proclame sans gêne que l’ère des traditions est révolue et qu’il est essentiel de s’ouvrir au reste du royaume pour survivre. Ses relations avec le clan dirigeant des Monds sont extrêmement tendues, chacun se faisant le partisan de l’adaptation ou des anciennes voies. À l’est, les clans des Vors et d’Édar font front commun et se targuent de leur supériorité militaire. Effectivement, contrairement aux autres clans ayant subi de lourdes pertes à Corrèse, ceux-ci (surtout les Vors) s’étaient considérablement enrichis grâce à des raids peu risqués et payants. Toujours hautement respecté dans les autres clans, Sigismond le Vif conserva son statut de palatin, mais nombreux étaient ceux qui commençaient à suggérer une nouvelle course à ce titre. Finalement, après avoir été floués à plusieurs reprises par un prince Élémas IV désireux de s’assurer la loyauté des Corrésiens, la confiance des Sarrens envers la Couronne d’Yr est à son plus bas.